Dans la mode, tout est question de créativité, même lorsqu’il s’agit de la durabilité, si l’on en croit Anaïs Claes. En tant que membre de la troisième génération, elle est responsable du développement durable chez JBC. « Nous voulons présenter la durabilité comme quelque chose de positif », déclare-t-elle, également à la RetailDetail Night le 20 novembre.
La force de la différence
Au sein du Claes Retail Group, qui chapeaute JBC, CKS, Mayerline et d’autres marques, chaque marque adopte sa propre approche en matière de durabilité. « Chacune selon son identité et sa clientèle. Chez CKS, par exemple, nous travaillons avec la location et des résidus que nous réutilisons de manière créative, par exemple dans le cadre d’ateliers où les clients apprennent à fabriquer des accessoires. Cela rend la durabilité tangible. »
« Mayerline se concentre quant à elle sur la garantie à vie et la réparabilité. Nous proposons un service de retouches et les vieux vêtements qui nous sont apportés sont transformés en nouvelles pièces grâce à Re-New. Chez JBC, nous continuons à croire fermement au seconde main », résume Claes. « Nous avons été la première chaîne de mode belge à le commercialiser à grande échelle et nous continuons à y investir. C’est un bel exemple de mode circulaire qui fonctionne également sur le plan commercial. »
Claes pense que différents modèles circulaires continueront à coexister. « Le seconde main, la location, la réparation : ils se complètent. La location est encore sous-exploitée, mais elle peut être un excellent moyen pour les personnes qui aiment la variété sans avoir à acheter sans cesse. » Elle y voit également un tournant culturel. « Nous vivons de manière matérialiste, la possession est au centre de nos préoccupations. Mais je pense que la location, le partage et la réutilisation vont gagner du terrain, en particulier auprès des jeunes générations. »
« La mode doit rester un plaisir »
Claes souhaite toutefois éviter que la durabilité ne détermine le ton de la marque. « La mode doit rester un plaisir. Tout ne doit pas tourner autour des chiffres et des données. Nous devons être plus que nos projets de durabilité », conclut Claes. « Nous devons nous démarquer avec une collection forte, de qualité et agréable. C’est seulement ainsi que la durabilité prendra tout son sens. »
L’exemple parfait est la récente collection capsule créée avec le designer Walter Van Beirendonck. La collection, réalisée à partir de restes de laine à tricoter, s’est vendue en un clin d’œil. « C’était un défi technique, mais le résultat montre que la durabilité peut aussi être artistique. C’était fantastique de voir à quel point Van Beirendonck était ouvert à l’idée de faire preuve de créativité malgré les contraintes. »
Être créatif dans le respect des limites, c’est également ce à quoi travaille actuellement le groupe chez HNST, la marque de denim circulaire rachetée par CRG en 2024. « Nous développons de nouveaux modèles qui restent fidèles à l’identité de la marque, mais qui correspondent mieux à nos clients. L’objectif est toujours de rendre les choix durables accessibles à tous, sans pour autant rendre le prix inabordable. » Selon Claes, c’est essentiel : « Un pantalon qui utilise beaucoup moins d’eau et de CO₂, mais que personne n’achète parce qu’il est trop cher, n’est pas non plus durable. Notre mission est de démocratiser la durabilité. »
« La législation offre des opportunités, mais soyez clairs »
Même dans la législation européenne qui s’applique au secteur textile, la responsable du développement durable voit des possibilités créatives. JBC a déjà expérimenté un passeport produit numérique. « Nous avons considéré cela comme un exercice allant au-delà de la simple conformité. Nous nous sommes demandé : comment pouvons-nous en faire un argument qui séduise les clients ? Pensez à un pantalon de grossesse que vous pouvez louer et qui vous permet de lire les témoignages d’autres femmes qui ont porté le même vêtement. Cela crée un sentiment d’appartenance et prolonge la durée de vie du produit. »
Mais il faut alors de la clarté, au plus tôt sera le mieux. « On ne sait encore pas grand-chose de concret, ce qui rend les choses difficiles. Plus les directives seront claires rapidement, mieux les entreprises pourront se préparer. Car la mise en œuvre demande beaucoup de temps, de moyens et d’investissements informatiques. Ne sous-estimez pas cela : nous avons déjà énormément de points de données, à terme, on risque de se noyer dedans. »
99 % sont vendus
Les données montrent à Anaïs Claes où se trouvent les opportunités dans la chaîne d’approvisionnement. Elle ose par exemple remettre fortement en question les affirmations selon lesquelles 30 à 40 % des articles de mode produits ne seraient jamais vendus. « On aime dire qu’il y a une grande partie de marchandises invendues dans les entreprises de mode, mais comment peuvent-elles alors rester rentables ? Je sais déjà que 99 % de ce que JBC produit est vendu. »
Elle souligne également avec fierté la reconnaissance de la Fair Wear Foundation : « Nous sommes le seul détaillant belge à avoir obtenu un score positif. Cela signifie que nos efforts en matière de salaires équitables et de conditions de travail sûres ont un impact réel. »
Le fait que l’attention de la société pour la durabilité varie « ne doit pas être une excuse ». Claes aurait du mal à travailler dans un endroit où la durabilité est une obligation, et beaucoup de gens de sa génération avec elle. « Je suis reconnaissante que la durabilité ne soit pas remise en question chez nous. Cela facilite la prise de décisions parfois difficiles. Le fait qu’Ann et Bart (Claes) continuent à véhiculer eux-mêmes ce message inspire confiance à toute l’organisation. »
Lors de la RetailDetail Night, Anaïs Claes s’entretiendra en exclusivité avec Olivier Van den Bossche (MediaMarkt), Wouter Kolk (Ahold Delhaize & WE Fashion) et Geoffroy Gersdorff (Carrefour) lors d’une table ronde interactive.


