Wouter Kolk, ancien PDG chez Ahold Delhaize, porte un regard réaliste sur les défis auxquels est confronté le secteur du retail. Lors de la RetailDetail Night, il s’exprime librement sur la pression exercée par les actionnaires, la nécessité de coopérer et les opportunités offertes par l’IA. « Les détaillants doivent oser voir grand, sans pour autant perdre leur âme locale. »
Profiter de la liberté et de l’indépendance
Après avoir quitté Ahold Delhaize, Wouter Kolk, ancien PDG d’Ahold Delhaize Europe & Indonesia et de WE Fashion, profite de sa liberté. Mais il ne reste pas inactif. En tant que membre du conseil de surveillance d’AkzoNobel, de Goedhart Bakeries et de WE Fashion, entre autres, conseiller chez McKinsey et impliqué dans diverses initiatives liées à la technologie et à l’alimentation saine, il reste proche du secteur qu’il a dirigé pendant des décennies.
« Je vais très bien », déclare Kolk. « Je suis actif au sein de plusieurs conseils de surveillance. J’apprécie énormément la diversité entre l’alimentation, la mode et la technologie. Après des années passées dans le monde très structuré d’Ahold Delhaize, je profite désormais de mon indépendance. »
Il s’engage également pour World Press Photo. « J’ai toujours été intéressé par la photographie. Mais aujourd’hui, avec la pression exercée sur la liberté d’expression dans le monde entier, je trouve important de soutenir cette cause. Le fait de pouvoir contribuer à quelque chose qui tourne autour de la vérité et de la liberté me semble très précieux. »
Équilibre entre échelle et pertinence
Bien qu’il ne soit plus à la tête d’un groupe, Kolk continue de suivre de près le secteur. « Les thèmes que nous voyions déjà chez Ahold Delhaize sont toujours d’actualité : l’augmentation d’échelle et la pertinence locale. Il faut être suffisamment grand pour avoir un pouvoir d’achat et une efficacité suffisants, mais en même temps, il ne faut pas perdre sa touche locale. Je trouve cet équilibre extrêmement intéressant, mais aussi difficile à atteindre. De nombreux détaillants sont confrontés à ce dilemme. »
Ce qui ne lui manque pas, c’est la pression des marchés financiers. « La pression des actionnaires peut vous obliger à prendre des décisions que vous ne souhaitez pas (encore) prendre », explique M. Kolk. « L’accent mis sur les résultats trimestriels vous amène parfois à prendre des décisions à court terme, alors que vous préférez travailler sur des objectifs durables. Les dirigeants ont parfois trop peu de temps pour faire ce qu’il faut. »
Selon lui, cette pression peut également nuire au long terme. « Chez Ahold, nous avons réussi à trouver un bon équilibre grâce à nos excellentes performances, mais je constate que dans ce secteur, la durabilité et l’innovation sont trop souvent reléguées au second plan, car les retours financiers ne sont pas immédiatement visibles. »
« Les entreprises sont trop dirigées par les directeurs financiers »
Le développement des talents reste l’un des thèmes les plus importants pour Kolk. « Pour moi, le leadership consiste avant tout à permettre aux gens de s’épanouir. Les entreprises doivent donner de l’espace à leurs employés, mais aussi leur offrir une responsabilité claire. J’ai toujours trouvé très inspirante cette interaction entre performance et objectif. »
Selon Kolk, l’aspect humain risque de disparaître dans les entreprises. « On parle beaucoup de numérisation et d’IA, mais trop peu du facteur humain. Les entreprises sont parfois trop dirigées par les directeurs financiers, alors que ce sont justement les personnes créatives et commerciales dont on a besoin pour innover. »
Pourtant, Kolk voit surtout des opportunités dans l’intelligence artificielle. « L’IA aura un impact énorme sur le travail et les processus, mais elle créera également de nombreuses opportunités. Pensez à la réduction de l’empreinte écologique, à une production alimentaire plus intelligente ou au développement de produits durables. Si nous l’utilisons correctement, l’IA peut être un moteur important pour l’innovation et la durabilité. »
« Restez curieux, travaillez ensemble »
La consolidation est inévitable, car selon Kolk, les entreprises ont tout à gagner à collaborer davantage. « Je constate que les entreprises essaient encore trop souvent de tout faire seules. Or, la collaboration avec les fournisseurs, les instituts de recherche et les start-ups est essentielle. Dans le secteur alimentaire, les agriculteurs, les producteurs et les détaillants doivent collaborer plus étroitement à la transition alimentaire. C’est la seule façon d’avancer. »
Selon lui, les relations tendues entre les détaillants et les fournisseurs nécessitent également un dialogue. « Il faut continuer à discuter honnêtement, non seulement des prix, mais aussi des causes de l’inflation. Peut-être qu’une meilleure coopération dans la chaîne d’approvisionnement permettrait de réduire les coûts. Ou réfléchir ensemble à des emballages plus petits, afin que les produits restent abordables sans surprendre le consommateur. La transparence est cruciale. »
Kolk conclut par un appel au secteur. « Restez curieux. Collaborez. Soyez ouverts aux nouvelles idées, même celles qui viennent de l’extérieur de votre propre secteur. Et continuez à changer. Si vous pensez déjà tout savoir, vous stagnez. Dans un monde qui évolue si rapidement, la flexibilité est plus importante que jamais. »
Lors de la RetailDetail Night, Wouter Kolk s’entretiendra en exclusivité et en toute franchise avec Olivier Van den Bossche (MediaMarkt), Anaïs Claes (JBC) et Geoffroy Gersdorff (Carrefour) dans le cadre d’une table ronde interactive.


