L’ambiance chaleureuse de Noël n’est pas au rendez-vous aux tables de négociation, et reste à savoir ce qu’il en sera à la table du banquet. La nourriture grasse semble plus populaire que jamais, mais la vache peut être améliorée, contrairement à votre Filet Pur.
Manque d’argent
L’actualité du commerce de détail alimentaire semble relativement calme à l’approche des semaines de vérité, mais les apparences sont trompeuses. Sur les tables de négociation, les couteaux brillants et fraîchement aiguisés sont prêts, nous disent les fabricants de marques en poussant de profonds soupirs. C’est toujours d’actualité. Lorsque les lumières de Noël s’allument, l’atmosphère devient glaciale, tout comme les températures. Ces pauvres détaillants ont besoin d’argent. Et où trouver plus facilement de l’argent qu’auprès des grandes marques multinationales avec leurs marges charnues ? C’est comme ça. Mais, en principe, les rayons ne devraient être vides qu’après les fêtes.
La réapparition dans les médias néerlandais et belges d’articles sur les « murs d’achat européens » qui empêchent les détaillants de proposer à leurs clients des produits bon marché n’est pas non plus une coïncidence. Un reproche qui ne date pas d’hier : EuroCommerce soulève depuis des années cette question auprès de la Commission européenne. Mais la charge de la preuve est mince. Ou ces fabricants ont peut-être pu engager des avocats plus chers, c’est possible aussi.
Le prix est un choix
De plus, il est évident que tout le monde n’a pas saisi toutes les subtilités dans cette histoire. Gros titre dans De Standaard : « En Belgique, la marque de distributeur d’Albert Heijn parfois deux fois plus chère qu’aux Pays-Bas. » Littéralement. Cependant, un titre affirmant exactement le contraire aurait été vrai aussi. Même si cela aurait probablement suscité moins de clics. Le déclencheur ? Une petite étude commandée par le ministre de l’Économie démissionnaire chez nos voisins du Nord, censée démontrer que les prix à la consommation dans le pays pionnier sont trop élevés et que c’est la faute des fabricants récalcitrants. Les prix de pas moins de trente-deux (32 !) marques de distributeur ont été comparés. Impressionnant.
Toutefois, les détaillants déclarent dans le même rapport n’être confrontés à des restrictions d’achat que pour 2 à 4 % de l’ensemble des produits achetés. Voyez-vous ça. Qui veut démontrer quoi, finalement ? Quoi qu’il en soit, pas besoin de chercher une intention malveillante quand l’incompétence apparaît comme une explication amplement suffisante. Peut-être pourrions-nous envoyer les chercheurs, personnalités politiques et autres donneurs d’opinion suivre un cours de marketing. Penser que le prix de vente serait une simple somme du prix d’achat, des coûts et de la marge relève du plus grand simplisme. Le prix est un choix. Un P parmi tant d’autres dans le mix marketing.
Sur le déclin
De même, l’hypothèse selon laquelle les détaillants veulent toujours vendre au prix le plus bas est un pur non-sens, mais ce n’est pas à vous, chers professionnels, que je vais l’expliquer. C’est tout le contraire : après tout, tout le monde veut gagner de l’argent. Vous vendez donc à un prix aussi élevé que possible, mais suffisamment bas pour rester concurrentiel. Dans les médias, les détaillants accusent les fabricants cupides d’être à l’origine des prix élevés, tandis que les marques répercutent gentiment sur les détaillants le coût social élevé des prix trop bas. Le message est clair.
Et les consommateurs tirent leurs conclusions : l’inflation élevée les pousse à manger gras, semble-t-il. Les frites et les hamburgers sont les grands gagnants de la crise du coronavirus. Allô, Monsieur Vandenbroucke ? Je pense que nous avons un petit souci. Parallèlement, les dépenses dans les supermarchés augmentent au détriment des repas « on the go ». Surtout, n’investissez pas vos économies durement gagnées dans les actions HelloFresh : les boîtes repas sont indéniablement sur le déclin. Si c’est Comeos qui le dit, c’est que c’est vrai.
Grand nettoyage
Ils ont parié et perdu : les actionnaires de Casino. Cela semble se confirmer : le groupe n’arrive pas à éponger ses dettes ni à faire décoller ses hypermarchés et envisage sérieusement de procéder à un grand nettoyage. L’enseigne Casino pourrait ainsi disparaître définitivement du paysage urbain français. La fin d’une époque. Auchan et Intermarché ne veulent pas laisser le champ libre à Lidl et offrent un milliard d’euros. C’est beaucoup pour un tonneau sans fond.
Daniel Kretinsky ne le pleurera pas. Après tout, Casino est une enseigne qui remonte à l’ère pré-internet et dont il n’y a plus rien à tirer aujourd’hui. Il suffit de saisir ce terme dans la barre de recherche de Google. Ou d’écrire un article sur le sujet et de voir ensuite combien de spams sur les jeux d’argent en ligne inondent vos réseaux sociaux. Le milliardaire voit plus de potentiel dans les formules urbaines Franprix (malgré la débâcle en Belgique) et Monoprix (que nous rencontrons au début de l’année prochaine). Malgré leur nom, celles-ci parviennent au moins à échapper à la guerre des prix.
Meilleur que la viande
Des steaks végétaux pour les carnivores convaincus : cela semble aussi ingénieux que des costumes sur mesure pour les nudistes ou des clignotants pour les conducteurs de BMW. Et pourtant : il s’agit d’une énorme lacune sur le marché selon Redefine Meat qui, après avoir réussi à convaincre une poignée de chefs célèbres, a aujourd’hui séduit certains distributeurs. Cette imitation de viande high-tech est désormais disponible notamment chez Albert Heijn, bien qu’uniquement sur son webshop hollandais pour l’instant (en parlant de murs d’achat), et chez Crisp, où les Flamands pourront s’approvisionner et exactement aux mêmes prix que chez Albert Heijn, d’ailleurs. Vous voyez que c’est possible.
Il va bien falloir que j’y goûte : « Meilleur que la viande », affirme la marque. Les viandes beaucoup trop bon marché parce que subventionnées à outrance n’innovent pas, contrairement aux usines de substituts de viande, qui exploitent l’analyse moléculaire, l’impression 3D, etc. Certes, mais jusqu’à présent, les hamburgers végétariens ne parviennent pas à convaincre les amateurs de viande. Est-ce entièrement dû à l’incompétence des concurrents ?
Agréable avant tout
Car oui, nous avons reçu un communiqué de presse ce matin : pas moins de 4 % de nos compatriotes ont participé à la première édition belge de cette fameuse Semaine sans viande fin octobre. Attendez une minute : quatre pour cent ? Ne s’agit-il pas des Belges qui étaient déjà végétariens ? Ce n’est décidément pas comme ça que nous sauverons la planète. Ils feront une nouvelle tentative l’année prochaine. À voir.
À l’instar de nos politiques, qui ont signé ce matin à Dubaï une déclaration particulièrement vague et non contraignante sur l’agriculture durable et les systèmes alimentaires résilients, nos détaillants ne misent pour l’instant pas sur un Noël végétal, à en croire la grosse dinde farcie qui figure dans le spot vidéo de fin d’année émouvant de Carrefour. Act for Food, c’est bien, à condition que ça reste tout de même un minimum agréable. Enfin, sauf pour cette dinde, qui a le malheur de coller plus que jamais à nos traditions en ces temps sombres. Vous non, peut-être ? À la semaine prochaine !