Ahold doit agir de manière très diplomatique
« Maintenant ou jamais » : tel est le sens du rapport des analystes financiers de Rabobank à propos des pourparlers qu’Ahold et Delhaize entretiennent à l’heure actuelle concernant cette fusion. « Plusieurs rumeurs ont effectivement circulé au sujet des deux parties qui avaient été proches d’un accord en 2006. Mais aujourd’hui, le timing pour conclure cet accord et le soutien des intéressés sont nettement plus favorables qu’en 2006 », précise le rapport de Rabobank, nommé ‘Romance dans les rayons’.
Le principal défi pour les négociateurs est de parvenir à un consensus concernant la juste appréciation tant d’Ahold que de Delhaize, pour ensuite pouvoir déterminer le bon prix qui convient à tous les actionnaires. Ahold devra agir de manière extrêmement diplomatique, parce que chaque suggestion d’une reprise hostile ne fera qu’augmenter le prix et les chances de réussite – qui dépendent de la collaboration de toutes les équipes de management pour, par exemple, réussir l’intégration des assortiments et des systèmes informatiques – seront ainsi au plus bas.
Selon la banque, c’est Ahold qui aurait initié les pourparlers. Le groupe s’était bien préparé et a débarqué chez Delhaize avec un plan détaillé qui – selon les analystes – tient certainement compte des sujets délicats. Rabobank conseille dès lors une transaction sur base d’un échange d’actions dans la nouvelle entreprise. Cela correspond mieux à un accord fondé sur l’égalité, contrairement à une reprise de Delhaize par Ahold.
De plus, les analystes estiment que cela évite des coûts élevés liés à l’écart d’acquisition et cela permet à Ahold de ne pas s’endetter. « Grâce à un ensemble d’actions et de cash, il est possible que la proposition puisse devenir encore plus douce pour les actionnaires de Delhaize », c’est ce qu’on peut lire dans le rapport.
« Le timing actuel est nettement plus favorable qu’en 2006 »
Selon la banque, les chances d’une fusion entre Ahold et Delhaize s’élèvent à 70 pour cent minimum. Aujourd’hui, d’autres managers sont aux commandes : deux néerlandais qui se connaissent bien et qui ont déjà travaillé ensemble précédemment. De plus, la banque estime qu’aujourd’hui, il existe une plus grande nécessité stratégique de se propulser en avant qu’en 2006.
Ahold, qui à l’époque se trouvait en pleine phase de redressement après les scandales financiers qui avaient éclatés en 2003, était davantage dirigé par un financier (Anders Moberb, ex-IKEA) que par un véritable retailer. Et toujours selon la banque, les sensibilités du holding familial primaient chez Delhaize en 2006, et le CEO de l’époque, Pierre Olivier Beckers, était nettement moins ouvert à prendre des mesures décisives.
« Aujourd’hui, les deux entreprises sont dirigées par des retailers d’expérience qui sont pleinement conscients de ce qui est nécessaire pour faire évoluer les affaires vers un niveau plus élevé et de retourner à une situation de croissance structurelle du volume et de la marge », écrivent les analystes. « Les portfolios des deux sociétés s’accordent bien mieux aujourd’hui. La prise de conscience rationnelle des avantages de cet accord est tellement importante qu’elle peut surmonter d’éventuelles différences culturelles et politiques et qu’elle est capable de concilier de possibles divergences de points de vue concernant la valorisation. »
Redressement chez Delhaize plus rapide via Ahold
Pour Ahold, Delhaize est nettement plus intéressant que d’autres entreprises qui étaient dans la ligne de mir du groupe originaire de Zaandam : « Il s’agissait soit d’entreprises à résultats médiocres comme A&P ou de retailers qui se trouvent en fin de cycle de vie comme Hema, soit de retailers comme Harris Teeter et Pick & Pay qui coûtent beaucoup trop chers », toujours selon les analystes. « Delhaize offre de loin le meilleur potentiel de croissance à Ahold. » De plus, l’expérience du online et du retail de confort d’Ahold peut également offrir des opportunités à Delhaize.
Selon Rabobank, Ahold est le partenaire idéal pour permettre à Delhaize de se redresser plus rapidement en Belgique, notamment en générant ensemble de meilleures conditions d’achat. La banque les estime à 550 millions d’euros que l’association Ahold-Delhaize devrait investir dans l’amélioration de la perception des prix des deux groupes. Rabobank prévoit un redressement prudent de la marge bénéficiaire brute à un niveau entre 2 et 3 pour cent. En 2010, cette marge s’élevait à 5 pour cent chez Delhaize.
Et la paix du côté des travailleurs devrait également contribuer à ce redressement en Belgique. Delhaize a récemment signé un accord avec les syndicats et la banque ne s’attend pas à une multitude de nouvelles mesures qui pourraient à nouveau mettre les syndicats en colère. En outre, le rapport indique qu’Ahold adaptera les projets d’expansion d’Albert Heijn en Belgique, et ce afin d’épargner Delhaize au maximum.
« Online, Ahold fait partie du top 3 mondial »
En 2015, l’association Ahold-Delhaize peut réaliser un chiffre d’affaires de 61 milliards d’euros, un bénéfice brut de 2,3 milliards d’euros et un bénéfice net de 1,3 milliards d’euros. De plus, les Etats-Unis représentent 65 pour cent du chiffre d’affaires et 64 pour cent du bénéfice brut.
L’association accoucherait d’un retailer dominant dans le secteur des supermarchés, tant aux Etats-Unis qu’au Benelux. En Europe du Sud, l’association exerce une position dominante en Grèce, en Tchéquie, en Roumanie et en Serbie : cette région représentera 8 pour cent du chiffre d’affaires et 7 pour cent du bénéfice brut.
Au sein de cette nouvelle association, Ahold donnera le ton dans le domaine du online. « Nous considérons Ahold comme un acteur international faisant partie du top 3 en matière de vente de produits alimentaires, tant au niveau du volume des ventes (0,9 milliard d’euros) qu’au niveau des capacités online », prétendent les analystes de Rabobank. Avec tant de synergies online et offline, la pression sur les négociateurs à trouver des solutions ensemble sera importante.